Par Eric Lathrop
Le concept d’équipe de direction est simple : le directeur administratif et un groupe sélect de hauts dirigeants traitent des questions inhérentes au bien-être de l’organisation, notamment la vision corporative, la stratégie, les risques, les valeurs et les conflits. On s’attend à ce que chaque membre de l’équipe participe. L’objectif est de créer une diversité de perspectives et d’idées qui aideront l’équipe à faire avancer l’organisation.
Il est important de se rappeler que l’impact de l’équipe de direction est beaucoup grand que les décisions qu’elle prend. Puisque ses interactions sont souvent perçues comme représentatives de la plus vaste culture organisationnelle, l’équipe de direction en vient parfois à symboliser l’organisation dans son ensemble. Compte tenu du marché concurrentiel actuel, ce rôle « symbolique » peut avoir des conséquences bien réelles dans l’attrait et la conservation des meilleurs talents au sein de votre organisation.
Étant donné les défis uniques du leadership dans le secteur sans but lucratif, il est particulièrement important que l’équipe de direction se serre les coudes et travaille efficacement. De plus, nous prévoyons que dans les années à venir, on continuera de demander aux leaders du secteur sans but lucratif d’en faire plus, en moins de temps, et selon des normes plus élevées. Pour réussir, ils doivent se tourner vers leur équipe de direction pour obtenir des directives, de l’appui et de l’énergie. Il est vrai qu’on continuera d’attendre du directeur administratif qu’il fournisse vision et leadership, mais les jours où le directeur administratif était seul à diriger une organisation sont révolus. Aujourd’hui, l’équipe de haute direction est de plus en plus indispensable.
Dans notre quête de découvrir les éléments qui favorisent le bon fonctionnement de l’équipe de direction, nous avons examiné notre base de données pour découvrir des indices, passé en revue la documentation, et réfléchi à nos expériences comme recruteurs de cadres. Au final, nous avons identifié six ingrédients qui, selon nous, sont essentiels au rendement efficace de l’équipe de direction.
1. Débat : prendre de difficiles décisions
Les bonnes équipes prennent de sages décisions, qu’elles soient stratégiques, opérationnelles ou culturelles. La solidarité de l’équipe est essentielle après qu’une décision a été prise, mais pas nécessairement le prétexte à des réunions d’équipe. Autrement, l’équipe éviterait la confrontation afin d’atteindre une décision rapide et facile, donnant lieu à une entente superficielle, des résultats sous-optimaux et, dans certains cas, un mépris privé.
À la table de direction, le débat et l’opposition sont importants pour une bonne prise de décision. Ils gardent le jugement de l’équipe aiguisé et vigilant. Une équipe de direction trop collégiale ou trop différentielle risque de perdre son « avantage » et son efficacité. Lorsque cela survient, le « timbre de caoutchouc » peut devenir un symbole déterminant. Les équipes qui connaissent du succès créent toutefois un espace pour l’opposition en établissant un milieu sûr où on partage librement les idées et où on débat ouvertement des enjeux. Dans un tel cadre, les opinions et les vues conflictuelles ne demeurent pas latentes pour émerger plus tard dans des discussions hors ligne.
2. Confiance : croire mutuellement en les autres
Évidemment, le débat constructif ne peut survenir qu’en présence d’une réelle confiance entre collègues. Les membres de l’équipe sont plus enclins à partager leurs points de vue s’ils savent qu’en cas de désaccord, il sera constructif et utile. Ils s’attendent à ce que personne ne pointe du doigt, ne passe de jugement ou n’alimente l’animosité. En faisant confiance à l’équipe, les membres de l’équipe de direction se défont de leurs craintes d’éprouver de la gêne et partagent leurs idées ainsi que leurs inquiétudes. Ce degré de confiance met en évidence les enjeux difficiles, laissant à l’équipe le temps de corriger les problèmes et de changer l’orientation.
La confiance nécessite également un engagement envers la transparence. Si les membres de l’équipe de direction évitent sciemment de divulguer de l’information utile à leurs collègues afin de gagner un avantage compétitif perçu ou paraître mieux informé, l’équipe et l’organisation en sortent perdantes.
La confiance inspire, tandis que son absence, notamment aux niveaux hiérarchiques les plus élevés, peut miner toute une organisation. Il n’est pas surprenant que la confiance murit généralement lentement, au fur et à mesure que les membres deviennent plus familiers les uns les autres, partagent des expériences et se côtoient mutuellement dans l’action. Un leader efficace travaillera à développer la confiance avec le temps, par le biais de débats respectueux et sans jugement, et de communications ouvertes et transparentes.
3. Diligence : s’aider mutuellement à réussir
Beaucoup de membres d’équipe sont des gens talentueux qui ont connu du succès à la suite d’initiative individuelle, de responsabilité et d’imputabilité personnelle. Cette expérience peut parfois entraîner des sentiments de rivalité et de territorialité au sein de l’équipe de direction. Un leader efficace cherchera à atténuer cette tendance et à favoriser la coopération et le soutien mutuel, de sorte que l’équipe devienne davantage que ses parties constituantes.
Les membres de l’équipe ne devraient pas demeurer fixés uniquement sur leur propre ordre du jour et leurs intérêts, mais devraient se préoccuper de la réussite de leurs collègues et de l’ensemble de l’équipe. Idéalement, un observateur externe devrait être incertain du titre que détient chaque membre, car chacun est également investi dans toutes les facettes de l’organisation. Le directeur administratif devrait faire preuve de leadership à cet égard; il devrait être moins myope sur son propre rôle et consacrer plus de temps à applaudir les contributions et les succès de ses collègues membres de l’équipe.
4. Engagement : communiquer souvent
L’équipe la plus engagée s’oppose à la culture du secret et aux jeux politiques, sachant que ces deux attitudes peuvent dévaster une organisation. Lorsque les membres de l’équipe cessent de parler, des problèmes surviennent généralement par la suite. La réussite de l’équipe exige par conséquent un contact fréquent, ouvert et significatif entre les membres de l’équipe de direction.
Une communication fréquente peut également aider l’équipe à travailler plus efficacement. Comme dans tout autre groupe ou cadre social, si les participants sont engagés activement, un lexique commun émerge souvent, unique à ce groupe. D’un point de vue organisationnel, ce lexique peut s’avérer énormément bénéfique. À tout le moins, il crée une précision et aide à améliorer encore plus l’efficacité, et la clarté, notamment dans de grandes organisations diversifiées.
5. Polyvalence : faire face à tout défi
Les meilleures équipes sont polyvalentes et savent s’adapter. Elles peuvent se plier et se tendre pour traiter un éventail de tensions. Cette polyvalence provient de la diversité des perspectives, qui sont parfois fondées sur des différences de fonction, de sexe, de génération, ou simplement d’expérience.
La polyvalence revêt une importance particulière pendant de longues périodes stables de succès, alors que les rituels et les habitudes de gestion peuvent s’ancrer. Sans avertissement, une équipe autrefois douée peut devenir médiocre de manière inattendue en abordant de nouveaux problèmes en ne suivant plus aucune logique. Les équipes capables de soutenir le succès s’opposent généralement aux pratiques de gestion établies de longue date et aux rituels de l’équipe de direction. Elles sont conscientes de leur faillibilité, questionnent leur valeur pour l’organisation, et « réfléchissent à leur réflexion ». Jamais ancrées dans des succès passés, elles sortent de leur zone de confort et ne se contentent pas d’une « façon de faire les choses » qui, avec le temps, peut devenir une béquille.
6. Focalisation : optimiser le temps passé ensemble
Le temps est une ressource précieuse et les bonnes équipes utilisent à bon escient le temps qu’elles passent ensemble. Peu importe l’intelligence et les aptitudes des membres, elles ne servent à rien si le groupe est incapable de s’acquitter de son mandat parce qu’il est désorganisé. Focaliser sur le temps de gestion est une clé pour optimiser les contributions de l’équipe. En l’absence d’une telle focalisation, les réunions de l’équipe de direction peuvent s’embourber dans des discussions mineures provoquant un degré malsain de cynisme au sein de l’équipe.
Les équipes efficaces utilisent des stratégies de gestion du temps qui permettent de tenir des conversations difficiles et ciblées, dans lesquelles on aborde des questions importantes d’abord et avant tout. Elles éliminent les obstacles qui affectent leur efficacité ou cachent les « vrais » enjeux. Par exemple, elles travaillent fort à réduire le volume des sujets et les filtrent avant les réunions. Cette approche focalisée produit un degré élevé de confiance dans l’équipe et un sentiment élevé de professionnalisme dans toute l’organisation.
Conclusion
Il est possible d’isoler en théorie les éléments des fortes équipes de direction. Mais tel qu’une recette gourmet, si on retire certains ingrédients, tout le plat perd son essence. Une approche efficace et organisée, et un engagement envers un débat rigoureux préparent également l’équipe à se montrer polyvalente en périodes de changement. Le débat rigoureux, quant à lui, est impossible sans que la confiance, la diligence et la communication ouverte n’aient été établies. En focalisant sur les six éléments, l’équipe de direction peut donner un exemple qui se transmettra dans l’ensemble de la culture organisationnelle, toute en faisant évoluer la vision et la stratégie.